par CATHERINE DELONCLE
1905, Henri Matisse peint à Collioure des tableaux traitant du thème de “La fenêtre ouverte”, métaphore du monde intérieur de l’artiste, de son imaginaire, de sa création, ouverte cependant sans limite au monde extérieur dont l’homme participe.
2005, MARC-ANDRÉ 2 FIGUERES installe dans Collioure 12 cadres qui signifient pour lui autant de fenêtres contemporaines. Conçues tout d’abord comme gestes plastiques, il transporte ses réalisations hors de l’atelier afin de les impliquer dans la vie de ce village prestigieux, non pour un effet décoratif mais comme acte social et politique.
Cette motivation essentielle va permettre des interactions originales entre divers éléments, le village et son clocher, l’artiste qui s’en inspire et l’imaginaire du public. En toute liberté.
La démarche des marches.
Les cadres offerts aux promeneurs sont de véritables œuvres d’art. Il s’agit bien de sculptures-objets, traitées en ronde-bosse, puisqu’il est possible à chacun d’en faire le tour, de les toucher. Acte interdit dans un musée, où les œuvres posées ou accrochées acquièrent une valeur quasiment sacrée.
Chaque cadre présente des proportions harmonieuses minutieusement étudiées. Marches, piétements, barres incurvées sont le résultat d’un art ergonomique, proche de la physiologie de l’escalier. Leur couleur noire permet leur effacement dans le paysage, laissant toute son importance au cadre qui les surmonte.
Trois marches pour tous, donc pour chacun, sans distinction. Les marches symbolisent l’idée de progression, née du désir d’avoir à répondre à la question première, que va t-il se passer, ayant enfin accédé à ce cadre énigmatique ? Quelle surprise nous attend après cette montée symbolique vers l’inconnu d’en haut ?
Le cadre est enfin atteint. Proposé sous une forme classique, rectangle de couleur dorée, légèrement vieillie, il n’est autre que le symbole de la Peinture, hommage rendu par un artiste du XXIe siècle à toute l’histoire de l’art. Plastiquement, la couleur Or d’un cadre ne nuit pas aux couleurs diverses employées sur un tableau, puisqu’elle n’en modifie pas les effets de tons. Elle possède aussi, en elle-même, un caractère solaire comme un rappel de toutes les lumières intenses de ces lieux.
Généralement la fonction du cadre est de protéger des toiles peintes à deux dimensions où le sujet de la peinture est définitivement fixé. A Collioure, la fonction des cadres a pour but de laisser à chacun la possibilité de délimiter selon son choix l’espace visible.
Cadrer un sujet, c’est dans un premier temps un acte libre de l’artiste pour le percevoir sous certains angles. MA2F a installé ses cadres en diverses haltes avec comme point de départ une motivation précise, voir le clocher sous divers aspects. Les cadres de Collioure se substituent à l’œil subjectif en autant de points 2 vue. Dans un premier temps, c’est bien la vision du clocher, défini comme phallique et inscrit harmonieusement dans l’architecture, qui s’impose en objet principal du regard. On est dans une création particulière, celle qui met en jeu la relation masculin-féminin, thème privilégié par l’artiste dans toutes ses réalisations. Si les emplacements choisis par MA2F correspondent à son désir de créateur, il offre à chacun la liberté d’effectuer ses propres cadrages. Le public est alors invité à créer son musée personnel, hors des contraintes rencontrées dans les musées traditionnels. C’est bien la liberté de la vision dont il va être question.
Les promeneurs passent devant les cadres, intrigués par cette absence apparente du contenu auquel ils s’attendent habituellement. Certains continuent leur chemin, d’autres s’arrêtent. Commence alors la transformation. Le vide en lui-même n’existe pas. Il ne prend sa forme et son sens que par ce dont on veut bien l’entourer. Les cadres, comme la nature, ont horreur du vide. Le spectateur crée son propre tableau en l’emplissant à son gré, la transparence initiale disparaît et il jouit du pouvoir de la transformer en quantité d’images. Le regard et même le corps se déplacent en fonction des visions que l’on découvre peu à peu, souvent par hasard. Le plaisir né de la découverte permanente, de la nouveauté de ces images et de la capacité à être l’auteur du passage du vide au plein. Cette interaction paysage-cadre-individu donne à celui-ci une nouvelle signification…
Un paysage, qu’il soit naturel ou urbain, n’existe que par le regard de celui qui le perçoit. Le passant qui a pris la liberté de monter les marches devient le maître d’un jeu entre le vide et le plein, le cadre et le clocher, le village et, par extension, la nature environnant ce dernier. Il se transforme en passeur d’un détail choisi dans l’ensemble de l’espace global qui lui est proposé, élément auquel il donne une importance particulière. Chacun peut ainsi décider ce qui lui apparaîtra comme porteur de beauté, la mer ou la barque seule, la plage ou l’église, ou tout simplement le ciel vide, habité par la seule intensité de sa couleur, symbole d’un infini possible.
L’espace concret du paysage s’est démultiplié en autant de représentations personnelles. Les regardeurs se succèdent devant le même cadre et cependant aucune image ne sera semblable à la précédente ou à la suivante. Cet effet des visions différentes donne tout son sens à la théorie initiale de MA2F, si le cadre est universel, le point de vue est personnel.
S’il le décide, le regardeur peut aussi s’installer dans l’immobilité devant un cadre, sans obligation de visualiser quoi que ce soit. Il s’abandonne à la seule vision du défilement en temps réel de la transformation des paysages. Le regard va devenir le lieu de toutes les sensations rétiniennes offertes par toutes les mobilités envahissant les cadres devenus vidéastes. L’émotion naît du mouvement perpétuel des diverses atmosphêres. Les nuages, la mer et ses vagues, les barques qui vont et viennent, les promeneurs, deviennent les sujets d’un film muet sans début ni fin.
La focalisation dans le cadre d’une image précise, d’un détail du paysage, démultiplie la vitesse de l’espace-temps. Par exemple, si l’on regarde le ciel normalement, dans sa globalité, le temps de passage des nuages paraît habituel, mais vu à travers un cadre, un nuage précis apparaîtra et disparaîtra à une vitesse décuplée, de mÍme, tout juste aperçue, la barque a disparu.
Nous pouvons aussi découvrir comment le clocher et l’église revêtent des apparences différentes à différents moments. Rapidement, s’attacher à tout ce qui bouge et en saisir l’immédiateté et de ces rapides visions éphémêres, il restera des traces dans la mémoire.
Il s’agit d’un effet d’Impressionnisme contemporain, grâce auquel l’œil, et lui seul, remplace le pinceau. Mais alors…
Puisqu’en effet, le même objet, vu hors du cadre ou à travers le cadre, observé par différents passants, ne représentera jamais la mÍme image. Ce qui est regardé perd son sens objectif, transformé par le pouvoir que l’artiste a offert au spectateur de modifier le réel en autant de vérités personnelles.
Ce qui est vu existe, ce qui existe est réel, chacun voit quelque chose, donc tout est vrai. Des illusions naît la vérité, c’est le droit individuel de croire en ce que l’on voit. La nature est utilisée par l’artiste comme prétexte au jeu et l’individu libre de participer ou non à ces actes ludiques.
Comme nouvelle invention du passant, oser passer derriêre le cadre, emplir le vide de lui-mÍme, mettre en scêne son propre corps, l’impliquer à l’intérieur du cadre et sans être peintre, connaître la joie de s’auto-portraiturer. Narcissisme positif puisque chacun y trouve sa liberté sans gêner celle de l’autre. Connaître la joie d’être photographié "encadré". Emporter avec soi l’œuvre en soi, le dernier tableau, celui rendu possible grâce à l’artiste qui offre le cadre et à l’individu qui l’emplit de son image. Connaître la sensation de se croire pour un moment devenu à la fois un artiste et son propre modêle. Le sens du cadre a changé de mains, l’appropriation est à son comble. Il est devenu cadre-photo. Le visiteur quitte le village avec ce souvenir concret : sa propre création associée à celle de l’artiste. L’acte social initié par l’artiste est dépassé et atteint sa complête efficacité par le détournement du premier sens du cadre, capter le clocher, au profit de la captation de soi par le médium photographique.
Collioure serait-elle devenue la nouvelle Cythêre, l’île grecque dédiée à Aphrodite, lieu des plaisirs amoureux ? Sur le tableau Embarquement pour Cythêre, Watteau, en 1717, décrivait des couples d’amants, en route pour vivre librement un érotisme dont les artistes du XVIIIe siêcle étaient friands. A Collioure, le cheminement déterminé par les cadres de MA2F, offre la possibilité d’un parcours initiatique de l’amour, le village étant substitué à l’île mythique.
Les 12 points 2 vue permettent au clocher masculin de prendre possession du vide féminin, mais à l’inverse, ce vide féminin peut se saisir de l’objet phallique… Nous jouerions alors†Les fÍtes galantes du XXIe, chaque individu utilisant les cadres et le clocher comme médias de ses fantasmes, sensations momentanées, fugitives et délectables, sans lesquelles la vie n’aurait pas le mÍme attrait. La progression des désirs est assurée par la graduation du parcours, dans un Collioure devenu nouveau sanctuaire d’Aphrodite. Le bonheur est donc possible ? Peut-être, si nous nous laissons guider par…
Lors de sa construction il était seulement phare, guide enraciné dans la terre-mêre. Ce phare profane va nous ramener vers un autre lui-même, métamorphosé en clocher sacré. Les 2 sont devenus 1. Unique objet à double signification, que nous allons découvrir. Puisque notre parcours se termine et que le désir d’une fin glorieuse s’est peu à peu précisé, laissons-nous donc guider par le phare vers cette ultime recherche…
Pour le découvrir, invoquons les bonnes grâces d’un intercesseur efficace, le dieu Min, transformation d’Osiris par l’imaginaire des anciens Egyptiens, au cours de l’évolution de leurs mythes. Il fut représenté sur ses temples, doté d’un phallus en érection inhabituelle, qui lui valut son épithête de Min ithyphallique. Ce dieu était honoré au cours de certains rituels de renaissance. Chaque année au temps des moissons, les Egyptiens offraient leurs incantations à Min, dont ils attendaient en retour, non seulement l’assurance de bonnes récoltes, mais surtout la permanence de leur vigueur sexuelle.
Le clocher de Collioure, Nouveau Min par sa forme mÍme, va se prêter à un rite. Guidés par le souvenir de l’ancien phare, nous reviendrons annuellement vers cette idole contemporaine, pour la toucher avec espoir… Mais à une condition†: celle de croire intimement en ses pouvoirs de régénérescence, de vigueur retrouvée, de résur-érection du désir.
Pour en avoir fait lui-même l’expérience (paraît-il…) c’est le secret que nous livre MA2F.
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